Don Giovanni de Mozart à l’Opéra Bastille

Pour l’ouverture de la saison de l’ Opéra national de Paris, c’est ce que Wagner considérait comme « l’opéra des opéras » qui nous est proposé, avec en ce soir de première une nouvelle production de Claus Guth. C’est peu dire que cette mise en scène sera clivante ! Pendant l’ouverture, le rideau s’ouvre un bref instant sur Don Giovanni qui occit le Commandeur mais qui est lui-même gravement blessé par ce dernier. L’action (jouée au ralenti) se retrouve ensuite « en direct » au cours de la 1ère scène, qui marque le début de la dramaturgie. Et tout au long du spectacle, Don Giovanni blessé mortellement continuera sa prédation, sans évidemment jamais envisager sa rédemption et finira aux enfers, le rideau s’abaissera d’ailleurs au moment de sa mort, escamotant le final habituel où tous les protagonistes évoquent leur devenir. L’action (transposée dans une époque contemporaine) est intégralement située de nuit dans une forêt, avec un joli décor positionné sur une tournette faisant apparaitre conifères, chemin d’où surgit la voiture en panne de Don Otavio, abribus miteux ou balançoire. Un modeste pique-nique fait office de souper final avec le Commandeur, dont la statue est remplacée par une sorte de masque Inca ! Loin d’incarner un riche seigneur, Don Giovanni est plus proche d’un SDF miséreux secondé par son valet Leporello, bad-boy délinquant avec bonnet et tatouages qui s’injecte régulièrement des shoots d’héroïne ! Bon, pourquoi pas ? Le casting est de tout premier ordre. Adela Zaharia est une Donna Anna gracieuse et sensuelle, au timbre limpide laissant s’épanouir de puissants aigus. La belle Gaëlle Arquez campe une Donna Elvira coincée, bourgeoise en tailleur serré, chignon et collier de perles. Le medium de la mezzo est chaud et coloré, les aigus puissants et rayonnants. Quant à la souriante Ying Fang c’est une jolie découverte dans sa Zerlina délicate, aux piani filés et très subtils. Chez les hommes, Ben Bliss fait ses débuts à l’ONP, avec un Ottavio plein d’assurance. Son grand air du 3ème acte est particulièrement émouvant, avec des piani longuement tenus et une ligne de chant parfaitement rectiligne. Alex Esposito crève la scène avec son Leporello suractif. La diction est précise et le timbre sonore. Son grand air du catalogue lui vaut d’emblée une belle ovation – même si malheureusement elle intervient avant son terme ! Enfin Peter Mattei dans le rôle-titre déploie un ramage profond et sonore. Sa tessiture et son timbre lui permettent des envolées tonitruantes (comme lors du final) mais également de grands moments de douceur et de sensibilité (magnifique « La ci darem la mano » avec Tara Erraught). Le baryton suédois fait assurément partie des grands interprètes du rôle ! Scéniquement, il a semblé parfois emprunté mais sa performance globale demeure très accomplie ce soir. Enfin dans la fosse Antonello Manacorda dirige avec application mais sans génie particulier l’orchestre de l’Opéra de Paris, prenant garde à respecter l’harmonie avec la scène. La soirée fut longuement applaudie par un public venu en nombre et lance avec bonheur une saison qui s’annonce riche et variée !

Don Giovanni

Musique de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo da Ponte

Création à Prague, au Théâtre National, le 29 octobre 1787

Production du Staatsoper Unter den Linden, Berlin en collaboration avec le Salzburger Festpiele

Direction musicale : Antonello Manacorda

Mise en scène : Claus Guth

Distribution

Don Giovanni : Peter Mattei

Il Commendatore : John Relyea

Donna Anna : Adela Zaharia

Don Ottavio : Ben Bliss

Donna Elvira : Tara Erraught

Leporello : Alex Esposito

Masetto : Guilhem Worms

Zerlina : Ying Fang

Équipe artistique

Décors : Christian Schmidt

Costumes : Christian Schmidt

Chef des choeurs : Alessandro di stefano

Lumières : Olaf Winter

Chorégraphie : Ramses Sigl

Dramaturgie : Ronny Dietrich

Ensemble musical

Chœur de l’Opéra national de Paris

Orchestre de l’Opéra national de Paris

Coproduction

Opéra National de Paris

Salzburger Festspiele | Salzburg Festival

Paris, Opéra Bastille – Soirée du mercredi 14 septembre 2023, 19:30

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