Le bonheur passe-t-il par la jeunesse éternelle ? Se rapprochant du thème cher à Goethe, le compositeur tchèque a écrit et composé cet opéra « fantastique » contant l’histoire d’Emilia Marty, alias Élina Makropoulos, chanteuse âgée de 337 ans après avoir bu au 16ème siècle un élixir de jouvence lui permettant de revivre une nouvelle vie tous les 60 ans. Dans le contexte d’une sombre affaire de testament d’un de ses anciens maris, désabusée elle perdra le goût à la vie et se laissera porter vers son but ultime : le trépas ! La m e s de Warlikowski est magnifique. L’action se déroule dans un cadre hollywoodien des années 50 avec ses références aux grands films et stars de cette époque : Émilia Marty est présentée en Marilyn Monroe, de vieux films de cette grande époque sont projetés durant les interludes musicaux et les décors (extraordinaires) rappellent également cet âge d’or du cinéma américain. On retiendra tout particulièrement au second l’effet saisissant de l’héroïne sur la main animée d’un gigantesque King Kong. Avec les costumes chatoyants et colorés des protagonistes, le spectacle est du plus bel effet visuel. Le casting n’est pas en reste. Très homogène, on en ressort le ténor tchèque Pavel Černoch au timbre pur et droitement projeté qui campe un Albert Gregor passionnément épris d’Emilia. Johan Reuter incarne avec morgue Jaroslav Prus, voix souple et puissante aux couleurs bien marquées. On remarque également les courtes apparitions de Cyrille Dubois, Janek simplet en costume bleu turquoise, dont les aigus limpides emplissent toute l’enceinte de Bastille. Enfin, dans le rôle exigeant d’Emilia Marty tant il est complexe et omniprésent, la grande Karita Mattila démontre que le poids des ans n’a qu’un impact tout relatif sur son instrument. La technique reste irréprochable, les aigus (certes un peu tendus et poussés par moment) demeurent rayonnants et la variété dans sa palette impressionne. Excellente comédienne, elle est très crédible dans son rôle de cantatrice vieillissante et aigrie. Elle récoltera une belle ovation aux saluts seule devant le rideau. La partition est sublime et l’orchestre magistralement dirigé par Susanna Mälkki qui parvient à lui insuffler un souffle exceptionnel. Les cuivres sont particulièrement mis à l’honneur et le spectacle sera finalement très applaudi par une salle loin d’être remplie !
Věc Makropulos (L’Affaire Makropoulos)
Compositeur : Leoš Janáček
Librettiste : Leoš Janáček
Adapté de la pièce de théâtre de Karel Čapek
Première interprétation en public : 18 décembre 1926, Théâtre national de Brno
Date de composition : 1925
Producteur : Opéra national de Paris (2023)
Mise en scène : Krzysztof Warlikowski (2007)
Direction d’orchestre : Susanna Mälkki
Distribution
Emilia Marty : Karita Mattila
Albert Gregor : Pavel Černoch
Vítek : Nicholas Jones
Kristina : Ilanah Lobel-Torres, Soprano
Jaroslav Prus : Johan Reuter
Janek : Cyrille Dubois – Officiel
Dr Kolenatý : Károly Szemerédy
Hauk-Šendorf : Peter Bronder
Équipe artistique
Décors : Małgorzata Szczęśniak
Costumes : Małgorzata Szczęśniak
Lumières : Felice Ross
Direction de choeur : Chin-Lien Wu
Video : Denis Guéguin
Dramaturgie : Miron Hakenbeck
Chœurs de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Coproducteur : Teatro Real de Madrid
Paris, Opéra Bastille – Soirée du vendredi 13 octobre 2023, 20h