Retour de cette fameuse et ancienne production de Calixto Bieito pour une des œuvres les plus jouées du répertoire. Nous retrouvons ce décor complètement épuré, où en fait de décor il ne s’agit que d’accessoires – le final se donnant même sur un plateau complétement nu. Seule l’action située au 3ème dans le repaire des contrebandiers voit la scène emplie de vieilles Mercedes dans un bazar savamment orchestré. La mise en scène est cependant très intéressante, les chœurs et solistes parfaitement dirigés et la mise en lumière est magnifique. Comme souvent chez Bieito, connu pour ses productions provocatrices, lubricité et violence sont omniprésentes et tout particulièrement au 1er, entre soldats et cigarières. Pour ce type de proposition qui met en avant les protagonistes plus que les décors, il faut un casting de premier ordre et c’est le cas ce soir, particulièrement pour ce qui concerne les rôles féminins. En effet, chez les hommes le Don José de Joseph Calleja n’est pas éblouissant. Sa posture en fait certes un brigadier crédible, un peu benêt qui se fait prendre dans les griffes de la torride Carmen. Mais sa voix montre quelques limites : très à l’aise dans le médium et les piani, le timbre s’éraille lorsqu’il pousse ses aigus et la sonorité devient désagréable. Son grand air (« la fleur que tu m’avais jetée ») est toutefois de bonne tenue et parvient à émouvoir. Sa diction en revanche est très perfectible. Ildebrando d’Arcangelo incarne un Escamillo plein de morgue mais sa portée est trop limitée pour une enceinte comme Bastille et sa voix de basse manque quelque peu de puissance. Chez les femmes en revanche, sublime Nicole Car qui campe une Micaela délicieuse et touchante. Très à l’aise sur toute sa tessiture, ses aigus rayonnent et son legato est magnifiquement assuré. Son grand air chez les contrebandiers lui vaudra une longue ovation. Quant à Clémentine Margaine dans le rôle-titre, elle s’avère définitivement une référence. Voluptueuse et aguicheuse à souhait, sa présence scénique est incontestable. Annoncée souffrante, elle a vocalement embrasé la scène. La mezzo dispose d’un timbre chaud et coloré ; la palette est ample, la ligne de chant très droite et la projection profonde. Elle finira épuisée après une prestation plus qu’aboutie. Les chœurs, en nombre, sont parfaitement dirigés et se fondent harmonieusement avec les solistes et l’orchestre. Ce dernier est dirigé avec maestria par Fabien Gabel. Le rythme est soutenu et dynamique (on le voit dès l’ouverture) et l’équilibre avec la scène est bien maitrisé. Une belle soirée donc, rendue lumineuse par les deux héroïnes et bien applaudie au final par une salle pleine et conquise.
Paris, Opéra Bastille – mardi 31 janvier 2023 | 19:30
Carmen
Direction d’orchestre Fabien Gabel
Mise en scène Calixto Bieito
Direction de choeur Alessandro Di Stefano
Costumes Mercè Paloma
Lumières Alberto Rodríguez
Décors Alfons Flores
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Carmen Clémentine Margaine
Don José Joseph Calleja
Micaëla Nicole Car
Escamillo Etienne Dupuis
Zuniga Guilhem Worms
Frasquita Andrea Cueva Molnar
Mercédès Adèle Charvet
Le Dancaïre Marc Labonnette
Le Remendado Loïc Félix
Moralès Tomasz Kumiega
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Chœurs de l’Opéra national de Paris / Choeur d’enfant de l’Opéra national de Paris / Maîtrise des Hauts-de-Seine