Turandot, de Puccini à l’Opéra national du Rhin

C’est dans cette jolie salle de la capitale alsacienne que nous est proposé le dernier opéra du maître italien, qu’il n’aura pas eu le temps d’achever avant sa mort et dont le final (confié à Franco Alfaro en 1925) est ici donné en intégralité – ce qui est rarissime ! La m e s d’Emmanuelle Bastet transpose l’action dans un cadre furieusement contemporain. La cité de Pekin, scintillante de néons et enseignes lumineuses est bondée d’une foule grunge en tenue chamarrée, sévèrement encadrée par des forces de l’ordre plus proches de kapos que d’aimables policiers. Tous détenteurs de smartphone et filmant de façon continue tout au long du spectacle l’action qui se déroule sous leurs yeux. Les trois ministres Ping, Pang et Pong font leur entrée sur des trottinettes, camera GoPro sur le casque. Surprenant d’abord, cette scénographie portée par des vidéos très réussies est finalement plaisante. Au fil des actes, le décor devient de plus en plus épuré pour finir au troisième sur une scène quasi nue, avec comme seul accessoire le lit aux draps de satin de Turandot. Le casting est bien homogène. Les trois ministres apportent comme il se doit la touche légère au livret globalement dramatique. En ressort en Ping le baryton italien Alessio Arduini et sa voix bien portée, particulièrement dans le médium-grave. La Liu d’Adriana Gonzales est magnifique. La soprano vénézuélienne dispose de jolis moyens. La tessiture est large, les aigus limpides et largement projetés, les legato parfaitement réalisés. Très émouvante dans les pianis de ses deux grands airs principaux, elle sera chaudement ovationnée aux saluts. En Calaf, Arturo Chacon-Cruz laisse perplexe. Ses premiers airs sont timides et laissent paraître un manque de puissance notable, puis la voix se pose plus aisément pour sortir au début du trois un Nessum Dorma d’assez bonne facture. Il serait néanmoins en difficulté dans une enceinte plus imposante que celle de Strasbourg et se trouve par ailleurs particulièrement éclipsé dans ses duos avec Elisabeth Teige. Cette dernière dans le rôle titre campe une princesse de glace altière et lumineuse. La portée est impressionnante avec ses aigus surpuissants, sa palette vocale très large et sa technique irréprochable. La scène des trois énigmes la dévoile inflexible au moindre sentiment, quand le dégel final la rendra plus humaine. L’imposante soprano norvégienne sera également longuement applaudie pour sa prestation. Le chœur de l’ONR est parfaitement dirigé, dans une scénographie au cordeau compte tenu de la modestie de la taille de la scène, et parfaitement en phase avec l’orchestre dirigé par Domingo Garcia Hindoyan. Ce dernier conduit ses musiciens avec délicatesse et harmonie, tous les pupitres sont mis à l’honneur – jusqu’au percussionniste dans les loges latérales. Soirée très réussie dans un joli écrin archi comble et manifestement ravi.

Turandot

Direction d’orchestre : Domingo Hindoyan

Mise en scène : Emmanuelle Bastet

Décors : Tim Northam

Costumes : Veronique Seymat

Lumières : Francois Thouret

Video : Eric Duranteau

Direction de choeur : Hendrik Haas / Luciano Bibiloni / Anass Ismat

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Turandot (La Princesse Turandot) : Elisabeth Teige

L’Imperatore Altoum (L’Empereur Altoum) : Raúl Giménez

Timur : Mischa Schelomianski

Calaf (The Unknown Prince) (Calaf) : Arturo Chacón-Cruz

Liù : Adriana González

Ping : Alessio Arduini

Pang : Gregory Bonfatti

Pong : Eric Huchet

Un Mandarino (Un mandarin) : Andrei Maksimov

Il Principe di Persia (Le jeune Prince de Perse) : Nicolas Kuhn

Prima ancella (Première servante) : Clémence Baïz

Seconda ancella (Seconde servante) : Nathalie Gaudefroy

Orchestre philharmonique de Strasbourg -OPS-

Chœur de l’Opéra national du Rhin / Les Petits Chanteurs de Strasbourg – Maîtrise de l’Opéra national du Rhin / Chœur de l’Opéra de Dijon

Co-production Opéra national du Rhin, Opéra de Dijon – Page officielle

Strasbourg, Opéra national du Rhin – Soirée du mardi 13 juin 2023, 20:00

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